Un univers galactique qui ne sort pas de nulle part
Quand on évoque Starfield, la nouvelle licence signée Bethesda, on pense immédiatement à des étendues infinies d’étoiles, de planètes et de mystères cosmiques. Mais derrière cette impressionnante toile de fond intersidérale, il y a des mois – voire des années – de travail méticuleux. Création des mondes, écriture du lore, construction des systèmes procéduraux… Le monde de Starfield n’est pas le fruit du hasard, et encore moins de simples copier-coller galactiques.
Plongeons dans les coulisses de ce qui constitue l’un des univers les plus ambitieux jamais proposés par Bethesda.
La généalogie d’un space opera made in Bethesda
Si vous suivez un tant soit peu les productions Bethesda, vous savez qu’ils ne font pas les choses à moitié. Oblivion, Skyrim, Fallout… Chaque monde a ses règles, son folklore, sa géopolitique. Avec Starfield, le studio a voulu frapper fort : premier jeu original en plus de 25 ans, il ne s’agissait pas seulement de créer un jeu, mais une véritable nouvelle mythologie.
À l’origine, Todd Howard et son équipe avaient même commencé à esquisser les premières idées dès 2013. Entre deux DLC de Skyrim et les itérations de Fallout 4, une petite cellule s’est mise à imaginer ce que serait une « réalité » plausible dans l’espace, à mille lieues des délires trop futuristes ou trop fantasy.
Le mot d’ordre ? Ancrer le jeu dans une « science-fiction réaliste ». En gros, évitez les sabres laser, mais donnez-nous quand même des vaisseaux, des pirates interstellaires et des complots gouvernementaux. Mission accomplie.
De la NASA… à Constellation : des influences bien terrestres
L’une des surprises dans la genèse de l’univers de Starfield, c’est le sérieux avec lequel les développeurs ont abordé la construction visuelle et technologique du jeu. Pour figer le ton, ils ont même créé un style artistique interne nommé « NASA-Punk », que Todd Howard a défini comme une fusion entre le réalisme scientifique et l’extrapolation futuriste avec une touche rétro.
Les inspirations sont claires :
- NASA et SpaceX : design des vaisseaux, combinaisons spatiales, modules d’habitat. Le look a un vrai parfum d’ingénierie plausible.
- 2001: L’Odyssée de l’espace et Interstellar : lenteur spatiale, isolation, atmosphères pesantes.
- Firefly : pour les aspects plus rouillés, humains et imparfaits du voyage spatial, avec une influence cow-boy de l’espace qui rappelle certains colons de Starfield.
Derrière tout ça, l’idée était claire : proposer un futur où l’humanité explore l’espace non pas à coups de magie ou de technologie alien omnipotente, mais bien avec ses moyens, ses ambitions et sa technologie parfois bancale. Un pari osé dans un marché saturé de science-fiction high-tech… et qui fonctionne.
1000 planètes, mais pas une au hasard
Oui, Starfield affiche fièrement un chiffre impressionnant : plus de 1000 planètes explorables. À première vue, cela pourrait sentir le piège de la génération procédurale vide et peu engageante. Mais Bethesda n’a pas simplement appuyé sur un bouton pour générer un univers. Chaque planète est issue d’un processus hybride mêlant aléatoire contrôlé et intervention artistique humaine (comprenez « level design manuel quand c’est important »).
Le studio a conçu un écosystème complet de biomes, de ressources, et d’événements. Leur outil interne permet de générer une planète à partir de plusieurs critères :
- Distance par rapport à l’étoile principale (et donc température ambiante)
- Composition de l’atmosphère
- Présence de vie ou non (micro-organismes, flore, faune)
- Ressources exploitables (minerai, eau, gaz rares, etc.)
Mais attention : toutes les planètes ne sont pas égales. Certaines servent de toile vierge pour l’exploration et le loot, tandis que d’autres ont été conçues à la main avec un haut niveau de détail – notamment celles abritant des colonies majeures comme New Atlantis ou Akila City.
On est loin des planètes vides de No Man’s Sky à ses débuts. Bethesda a retenu les leçons des autres… et y a ajouté sa patte narrative.
Un lore riche, mais accessible
Materia prima d’un bon RPG : son lore. Bethesda savait que pour que les joueurs s’investissent sur la durée, il fallait poser un cadre narratif crédible et dense. Là encore, c’est un travail de fourmi réalisé en amont. Plusieurs factions principales ont été écrites de A à Z, chacune avec son histoire, ses conflits internes, ses antagonismes.
Parmi les plus notables :
- United Colonies (UC) : sorte de Fédération disciplinée, très hi-tech, basée à New Atlantis.
- Freestar Collective : une coalition plus libre, plus western, souvent en désaccord avec l’UC.
- Ryujin Industries : une méga-corporation technologique au fonctionnement quasi cyberpunk.
- Crimson Fleet : pirates de l’espace avec leur propre morale et code de conduite.
Chaque faction propose des arcs narratifs complets, des choix moraux, et un impact direct sur l’univers du jeu. Le joueur peut aussi s’impliquer (ou non) dans les enjeux politiques, économiques ou sociaux qui traversent ces groupes.
Ce qui frappe, c’est l’effort mis par Bethesda à rendre ce lore digeste pour tous. Pas besoin de lire 42 livres in-game pour comprendre qui fait quoi. Tout est contextualisé de façon naturelle via les dialogues, les missions et les interactions environnementales.
Constellation : cœur du récit et boussole du joueur
Au centre de l’expérience, le joueur intègre Constellation, un groupe d’explorateurs à l’ancienne, un peu idéalistes, qui cherchent à comprendre ce qu’il y a au-delà de ce que la science connaît. Ils servent de guide narratif, mais aussi de liant entre les mécaniques d’exploration, de combat et de recherche.
Un choix malin : à travers Constellation, les développeurs peuvent justifier de façon organique les missions d’exploration, les trouvailles étranges et même les artefacts mystérieux qui parsèment les galaxies. C’est aussi un clin d’œil appuyé aux classiques de la SF « hard », où les scientifiques et curieux sont souvent les vrais héros de l’aventure.
Les coulisses techniques : entre technologie custom et moteur maison
Petit passage obligé : le moteur. Starfield tourne sur une version remaniée du Creation Engine 2. Autant dire que c’est un point sensible. Ce moteur, souvent critiqué pour son manque de modernité, a été largement retravaillé pour incorporer des supports plus poussés :
- Gestion de l’éclairage global et volumétrique pour des ambiances crédibles (coucou les couchers de soleil sur Vectera)
- Systèmes de physique complexes pour les combats spatiaux et les environnements zéro-G
- Intégration d’IA modulables pour divers comportements selon les factions ou les colonies
Évidemment, tout n’est pas parfait (certains bugs semblent être les compagnons éternels des jeux Bethesda), mais l’intention et l’effort sont palpables. Et surtout : la technologie ici est au service de l’univers, pas l’inverse.
Et maintenant ? Du contenu à venir et un monde vivant
Les moddeurs le savent déjà : Bethesda a conçu Starfield comme une base évolutive. Et c’est sans surprise que le studio a annoncé du contenu additionnel post-lancement, dont des extensions narratives et des outils pour la communauté modding.
Ce choix d’ouverture garantit une longévité à l’univers du jeu. On n’est pas face à un monde figé, mais bien à un bac à sable galactique qui s’enrichira au fil du temps grâce à la communauté et au suivi du studio.
Et puis, avouons-le : qui ne rêve pas de personnaliser son propre vaisseau avec 6 moteurs et une soute infinie pour aller convertir des planètes en fermes de ressources ?
Avec Starfield, Bethesda n’a pas simplement lancé un jeu ; ils ont ouvert une porte vers une nouvelle galaxie – imparfaite, mais remplie de potentiel. Un peu comme notre bonne vieille Voie lactée, finalement.